Le mécanisme de rupture ductile le plus couramment observé est la nucléation-croissance-coalescence de cavités. Les modèles couplés de type "plasticité poreuse" (GTN, Rousselier) sont présentés et leur limites sont discutées en relation avec les observations quantitatives et les simulations micromécaniques. La localisation de la déformation sous forme d'une bande macroscopique représente la phase de coalescence des cavités. (La modélisation micromécanique de la nucléation n'est pas abordée.) Ces modèles sont particulièrement adaptés au calcul d'éprouvettes de laboratoire.
La modélisation de la rupture ductile à faible triaxialité des contraintes et/ou en cisaillement questionne également les limites de validité de ces modèles. Par ailleurs, des mécanismes de rupture ductile en cisaillement sans cavités nécessitent des modèles spécifiques à l'échelle du grain cristallin. Ces mécanismes sont observés en particulier dans des produits minces en aluminium (rupture transgranulaire sans endommagement). Il est également important de prendre en compte l'effet d'une seconde population de cavités submicrométriques dans les aciers et les alliages d'aluminium. Une modélisation multi-échelles est nécessaire pour ces divers mécanismes.
De plus, dans une structure endommagée ou fissurée, les trajets de chargement locaux sont fortement non-linéaires, même si le chargement imposé est proportionnel. La localisation de la déformation dépend aussi de la géométrie de la surface de charge en plasticité. En plasticité polycristalline, l'anisotropie évolutive et la distorsion de la surface de charge ainsi que les chargements non-proportionnels sont modélisés. La simulation numérique en plasticité polycristalline des essais de laboratoire est maintenant possible avec des temps de calcul raisonnables. Le comportement en plasticité et rupture peut être modélisé avec un nombre très réduit d'orientations cristallines, de 8 à 15 selon le matériau. Les paramètres d'écrouissage et ceux de la texture réduite (angles d'Euler et fractions volumiques) sont identifiés par optimisation inverse à partir des seuls essais mécaniques. L'intégration de la "plasticité poreuse" dans le cadre polycristallin n'est possible qu'avec le modèle de Rousselier.
Le propos est illustré par des exemples de simulation numérique d'éprouvettes sans ou avec fissure initiale, pour l'aluminium et l'acier. Les résultats expérimentaux et les simulations numériques sont en bon accord pour la localisation de la rupture, les déformations à rupture et les observations aux différentes échelles. L'effet de la seconde population de cavités est discuté, en particulier celui des cavités amorcées sur les carbures dans des aciers faiblement alliés.
Références
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