La fatigue thermique conduisant à l'amorçage puis au développement de réseaux de fissures par dilatations cycliques empêchées est un phénomène observé dans des structures industrielles comme les réacteurs nucléaires. L'étude en laboratoire de ce phénomène se heurte à de nombreux défis expérimentaux qui ont généralement pour conséquence de limiter le domaine de validité des analyses conduites à certains types de transitoire particuliers. Citons, par exemple, la longue période des cycles (de l'ordre de plusieurs dizaines de secondes) imposée classiquement par la thermique pour faire évoluer cycliquement les champs mécaniques et qui conduit souvent à se situer plutôt dans le domaine oligocyclique en ne retenant que de fortes valeurs d'amplitude du chargement pour provoquer un amorçage précoce. Imposer à l'inverse sur un grand nombre de cycles (typiquement supérieur à 100 000) un chargement thermique d'amplitude constante tout en mesurant ce chargement précisément et au plus près de la zone d'amorçage de fissures sans perturber le phénomène à caractériser est un autre challenge récurrent de ce type d'essais et qui incite à prendre de grandes précautions lorsqu'il s'agit d'analyser les résultats obtenus dans ce domaine de nombre de cycles. Enfin, l'endommagement observé dans les structures industrielles est également favorisé par un environnement, un état de surface ou encore un état de contrainte ou de déformation moyenne qu'il est parfois difficile de reproduire en laboratoire.
On se propose ici d'exposer les derniers résultats expérimentaux obtenus sur un nouveau dispositif expérimental permettant à la fois d'imposer des chargements thermiques d'amplitude constante sur un grand nombre de cycles (>1 000 000 cycles) et de mesurer les quantités d'intérêt pour une analyse à la fatigue au niveau de la zone de fissuration. Cette installation permet ainsi d'imposer des chocs thermiques cycliques à une fréquence d'1Hz au moyen d'un laser de puissance sur la surface d'éprouvettes en acier inoxydable austénitique. Les champs de déplacement 3D et de température de la surface impactée sont mesurés à l'aide de 3 caméras (2 en lumière visible et 1 infrarouge) et d'une méthode de corrélation multivue [1-3]. Le dispositif optique permet en outre de détecter l'amorçage et de suivre la propagation des réseaux de fissures in-situ. Les essais sont réalisés sous gaz neutre (Hélium), d'une part pour prévenir toute modification des paramètres essentiels contrôlant le chargement (absorptivité de surface à la longueur d'onde du laser) ou la mesure de température (émissivité IR) et, d'autre part, pour éliminer également les effets d'environnement sur la fatigue. Certaines éprouvettes sont par ailleurs soumises à une contrainte moyenne statique et les effets de ce chargement supplémentaire sur le développement de l'endommagement sont ainsi observés et quantifiés. En s'appuyant sur une simulation aux éléments finis donnant accès à l'amplitude de la déformation mécanique équivalente développée dans la zone d'amorçage, ces résultats expérimentaux sont comparés à la courbe de fatigue du matériau construite à partir de résultats de fatigue uniaxiale isotherme.
Références bibliographiques :
[1] A. Charbal, J.-E. Dufour, F. Hild, M. Poncelet, L. Vincent and S. Roux, Hybrid Stereocorrelation Using Infrared and Visible Light Cameras, Experimental Mechanics, 2016, 56(5), pp.845-860.
[2] Y. Wang, A. Charbal, J.E. Dufour, F. Hild, S. Roux and L. Vincent, Hybrid multiview correlation for measuring and monitoring thermomechanical fatigue test, soumis.
[3] Y. Wang, A. Charbal, F. Hild, S. Roux, and L. Vincent, Crack initiation and propagation under thermal fatigue of austenitic stainless steel, soumis.