Malgré de nombreuses études sur le sujet, des questions à propos de la formation des vagues sous l'effet du vent restent toujours sans réponse. Nous abordons ce problème selon une approche expérimentale originale : l'étude de la déformation sous l'effet du vent de la surface d'un liquide fortement visqueux. Cela a l'avantage pratique de simplifier le problème car l'écoulement dans le liquide reste laminaire et les perturbations de l'interface qui ne sont pas amplifiées sont rapidement dissipées. Deux régimes de déformation de l'interface liquide-air ont été mis en évidence lors d'une première étude [1, 2]. À faible vitesse de vent, l'interface est recouverte de « wrinkles », des perturbations de faible amplitude et témoins des fluctuations de pression de l'écoulement d'air turbulent [3]. À plus forte vitesse, des vagues transverses perpendiculaires à la direction du vent apparaissent. Pour de fortes viscosités, un troisième régime a été identifié. Des structures interfaciales de plusieurs millimètres de haut se forment perpendiculairement à la direction du vent et se propagent, isolées, le long du canal. Ces vagues de grande amplitude, fortement non linéaires, conservent leur forme lors de leur propagation et font donc penser à des solitons dissipatifs. L'étude que nous présentons ici a été réalisée avec de l'huile silicone dont la viscosité est 1000 fois supérieure à celle de l'eau. En se concentrant d'abord sur une profondeur du liquide de 50 mm, nous avons pu mesurer la dynamique de ces vagues solitaires. Au bord du réservoir, un train d'ondes périodiques s'installe, puis l'une de ces ondes est amplifiée pour donner naissance à un structure localisée qui grandit, accélère et se propage ensuite à vitesse et forme constantes. Nous nous sommes également intéressés à l'évolution du seuil d'apparition de ces structures et nous avons mis en évidence le fait qu'elles apparaissent à partir d'une contrainte interfaciale critique. L'influence de la profondeur du canal sur la dynamique et la forme de ces vagues solitaires a ensuite été étudiée. Enfin, des observations préliminaires montrent que, dans certaines conditions, ces structures peuvent être déclenchées mécaniquement, suggérant que l'instabilité qui leur donne naissance serait sous-critique...
Références
[1] Surface deformations and wave generation by wind blowing over a viscous liquid, A. Paquier, F. Moisy and M. Rabaud, Phys. Fluids 27, 122103 (2015).
[2] Viscosity effects in wind wave generation, A. Paquier, F. Moisy and M. Rabaud, Phys. Rev. Fluids 1, 083901 (2016).
[3] Turbulent windprint on a liquid surface, S. Perrard, A. Lozano-Duran, M. Rabaud, M. Benzaquen and F. Moisy, submitted to J. Fluid Mech (2019).