Le transport de particules par un écoulement turbulent est un problème complexe. En plus des frottements visqueux, des forces de masse ajoutée et des effets de tailles finies des particules, la nature intrinsèquement multi-échelle, en temps et en espace, de la turbulence ajoute de nouveaux degrés de liberté. Si en plus les particules sont plus denses que le milieu considéré alors la gravité tendra à les faire sédimenter et seul un écoulement suffisamment intense permettra de les maintenir en suspension. Cela pose donc la question de l'interaction entre la particule et l'écoulement, et de l'influence de sa taille dans sa manière de sédimenter.
Nous étudions la resuspension de particules plus grandes que l'échelle de dissipation, modérément denses, en mouvement dans un écoulement d'eau de type Von Kármán à un disque. L'écoulement, pleinement turbulent, est généré par un disque à pales droites placé en haut d'une cuve parallélépipédique de section rectangulaire (15*15*22 [cm³]). La structure moyenne de l'écoulement est composée d'une rotation globale et d'une recirculation verticale. Les trajectoires 3D des particules sont reconstruites à partir d'un diagnostic optique: le suivi Lagrangien de particules à l'aide de caméras ultra-rapides disposées dans les directions principales de l'expérience (Lagrangian Tracking Velocimetry - LTV). A partir de celles-ci nous pouvons calculer les champs de vitesses et d'accélérations lagrangiennes, et obtenir les profils de distributions des particules en fonction de leurs caractéristiques (densité, diamètre). De manière surprenante, toutes les particules semblent se distribuer verticalement en suivant une loi exponentielle, rappelant l'équilibre de sédimentation de particules browniennes dans un champ de pesanteur pour lequel le flux de particules dû à la sédimentation se trouve être exactement compensé par leur diffusion régie par la loi de Stokes-Einstein. Cela suggère donc un subtil équilibre entre la gravité d'une part, et l'écoulement moyen et les fluctuations turbulentes d'autre part. Cependant, deux types de comportement émergent en fonction de la taille des particules. En effet, les plus grosses particules voient leurs profils de densité s'inverser pour les fréquences de rotation du disque les plus grandes. Autrement dit, ces dernières finissent ultimement par avoir leur position la plus probable en haut de la cuve, proche du disque. Deux mécanismes de piégeage sont envisagés : un effet d'interaction de type effet Coandă lorsque les particules sont suffisamment grosses pour ressentir les gradients de vitesse de l'écoulement à grande échelle, ou un effet de type turbophorèse pour lequel les particules tendent à s'accumuler dans les zones où les fluctuations turbulentes sont les plus faibles.