Le comportement mécanique des roches dans lesquelles il est envisagé d'enfouir les déchets radioactifs ultimes de l'industrie nucléaire doit sa complexité en particulier aux phénomènes de couplages hydromécaniques opérant dans leur phase argileuse dominante. Les transferts d'eau s'accompagnent de déformations hydriques qui peuvent être fortement hétérogènes, tant à l'échelle mésoscopique des gradients de teneur en eau produits pendant les périodes transitoires d'échange qu'à l'échelle plus microscopique où les particules argileuses de composition chimique et d'orientation variables côtoient des inclusions de seconde phase, principalement quartz et calcite, non sujettes à ces gonflements ou retraits. Ces gradients peuvent induire un endommagement de la roche, sous diverses formes, conduisant à une modification des propriétés hydromécaniques. L'importance d'intégrer ces phénomènes dans les lois de comportement utilisées dans les codes de dimensionnement des ouvrages doit être évaluée, sur la base notamment de leur analyse expérimentale fine, indispensable à leur compréhension et modélisation. De nombreuses études expérimentales ont porté sur cette question, analysée depuis l'échelle des galeries jusqu'à celle de la microstructure composite de la roche. Les investigations menées sous microscopie optique ou électronique environnementale ont en particulier montré la mobilisation de divers mécanismes irréversibles lors de cycles de saturation/désaturation : plasticité locale de la phase argileuse, fissuration aux interfaces argile/particules ou interne à la phase argileuse, selon les conditions expérimentales. Ces analyses sont toutefois pour la plupart limitées par leur caractère surfacique. La présente étude a pour but de les étendre dans le volume, et pour une variété de conditions de sollicitations hydriques.
Des échantillons de roche argileuse de forme cylindrique, d'environ 4mm de diamètre et 6mm de long, ont été prélevés au sein de carottes fournies par l'ANDRA, avec un soin particulier visant à sélectionner des échantillons sans fissuration initiale et sans hétérogénéité constitutive notable. Deux directions de prélèvement sont considérées, avec une stratification du massif soit parallèle soit perpendiculaire à l'axe des cylindres. Les faces latérales des échantillons sont rendues étanches, de sorte que l'échange d'eau s'opère uniquement par les faces extrémales et crée un gradient global de teneur en eau principalement axial pendant la phase transitoire. Les échantillons sont ensuite équilibrés avec une atmosphère dont l'humidité relative est contrôlée par une solution saline commerciale, à RH = 95% ou RH=35%, pour mener par la suite des essais in situ de dessiccation ou d'hydratation, respectivement.
Les échantillons, placés dans une petite enceinte permettant d'imposer l'humidité relative, sont observés par tomographie synchrotron sur la ligne Psiché du synchrotron Soleil, d'abord avant le changement de solution saline, puis rapidement après et à divers intervalles de temps croissants. La prise d'eau globale est suivie par pesée. Les images de très haute définition sont ensuite analysées par corrélation d'images numérique.
L'analyse révèle des profils de déformation complexes, parfois contre-intuitifs. Des gradients importants de déformation sont mesurés, atteignant environ 0,15%/mm, pour la variation de la composante de gonflement normale à la direction de stratification, selon une direction parallèle à cette dernière. Aucun endommagement macroscopique n'est détecté, malgré l'ampleur des gradients induits, en conséquence probable d'une sélection rigoureuse de l'échantillon qui ne présente pas d'hétérogénéité mésoscopique notable. L'expérience met toutefois en évidence un phénomène totalement inattendu de dissolution préférentielle des inclusions de calcite en périphérie d'échantillon.