CFM 2019

La saturation de l'instabilité elliptique dans les noyaux planétaires: turbulence d'ondes et instabilités secondaires des vortex géostrophiques
Thomas Le Reun  1, *@  , Benjamin Favier  2@  , Michael Le Bars  3@  
1 : Institut de Recherche sur les Phénomènes Hors Equilibre  (IRPHE)
Ecole Centrale de Marseille, Aix Marseille Université, CNRS : UMR7342
Technopole de Chateau-Gombert - 49 rue Joliot Curie - BP 146 - 13384 MARSEILLE cedex 13 -  France
2 : Institut de Recherche sur les Phénomènes Hors Equilibre  (IRPHE)
Aix Marseille Université, CNRS, Centrale Marseille,
3 : IRPHE, Marseille, France
CNRS, Aix-Marseille University, Centrale Marseille
* : Auteur correspondant

L'interaction gravitationnelle exercée par un objet astrophysique sur une planète produit une déformation de marée et, entre autres, conduit à des oscillations de son taux de rotation appelées "librations". La combinaison de ces deux effets provoque l'excitation d'ondes intertielles dans le noyau de la planète, ondes qui existent du fait de la force de Coriolis. Ces ondes, dont la fréquence est la moitié de celle des librations, croissent exponentiellement via un mécanisme de résonance paramétrique subharmonique, appelé 'instabilité elliptique', pour finalement s'effondrer en turbulence. Cet état turbulent est particulièrement important puisqu'il peut conduire à un effet dynamo et à l'amplification d'un champ magnétique protégeant la planète. L'instabilité elliptique est donc une alternative intéressante aux dynamos convectives qui n'expliquent pas les champs magnétiques des petits astres comme Ganymède. La saturation turbulente de cette instabilité reste cependant mal caractérisée. Elle diffère par ailleurs grandement des écoulements turbulents en rotation étudiés usuellement par forçage stochastique car l'énergie est ici injectée par l'instabilité seulement à travers des ondes inertielles à une fréquence spécifique.

Pour étudier cette saturation turbulente de l'instabilité elliptique, nous avons mis en place une expérience visant à reproduire les effets des marées dans un intérieur planétaire. Un ellipsoïde est monté sur une table tournante imposant un taux de rotation moyen et les oscillations de librations sont imposées par un moteur secondaire embarqué. La taille de l'ellipsoïde et la vitesse de rotation nous permettent d'atteindre des régimes de faibles forçages et faibles taux de dissipation qui sont hors d'atteinte des précédentes expériences et simulations.

Nous observons des résonances d'ondes inertielles dont nous caractérisons la saturation turbulente par des mesures de vélocimétrie par images de particules (PIV). L'analyse temporelle des écoulements ainsi obtenus indique qu'aux faibles amplitudes de libration, la turbulence excitée par l'instabilité elliptique est dominée par la présence d'ondes inertielles à des fréquences diverses et qui ne sont pas résonantes avec le forçage. Celles-ci sont excitées par les ondes instables primaires via une interaction non-linéaire résonante appelée "résonance triadique". En augmentant l'amplitude des librations, cet état s'efface au profit d'un écoulement dominé par un vortex géostrophique dont l'émergence est due à une instabilité secondaire que nous caractérisons.

Finalement, nous discutons la pertinence des ces deux régimes dans les noyaux planétaires, dans lesquels à la fois les forçages de librations et la dissipation sont très faibles. Nous montrons que dans cette limite, la saturation turbulente de l'instabilité elliptique conduit à une turbulence d'ondes, i.e. un état où un grand nombre d'ondes inertielles interagissent entre elles de manière non-linéaire et résonante. L'existence et les propriétés de la dynamo et du champ magnétique produit par un tel état restent à explorer.


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