Pour dimensionner des pièces en fatigue à grand nombre de cycles, il est important de prendre en compte la nature probabiliste du phénomène de rupture en fatigue. En effet pour assurer la tenue de la pièce pour la durée de vie prévue, le dimensionnement s'effectue à une certaine contrainte déterminée pour une probabilité de rupture très faible. Cette contrainte est évaluée à partir de la distribution de propriétés en fatigue du matériau à un certain nombre de cycles. Ainsi, la connaissance de la limite d'endurance médiane ne suffit pas et il est important d'estimer la dispersion des propriétés en fatigue associée.
Les propriétés en fatigue (à un certain nombre de cycles) s'obtiennent classiquement à partir d'essais de fatigue, où la contrainte est fixée pour chaque éprouvette et la nature probabiliste de l'essai est sur le nombre de cycles à rupture. Des protocoles d'essais de type Staircase [1] sont largement utilisés dans l'industrie afin de réduire le nombre d'éprouvettes nécessaire pour la caractérisation des propriétés en fatigue. Ce protocole consiste à ajuster la contrainte appliquée sur une éprouvette en fonction du résultat de l'éprouvette précédente. Si une éprouvette est rompue, l'éprouvette suivante est sollicitée à une contrainte diminuée d'un certain pas de contrainte et inversement. Le but est alors d'osciller autour de la limite d'endurance médiane du matériau afin de la caractériser rapidement. Cette méthode a beaucoup été étudiée dans la littérature et les incertitudes sur les paramètres de la distribution ont notamment été caractérisées par simulation en fonction du nombre d'éprouvettes utilisées [1]. Cette méthode s'avère robuste pour déterminer la limite d'endurance médiane avec peu d'éprouvettes, mais les incertitudes sur la dispersion sont importantes. La quantification de la dispersion reste délicate même avec un nombre conséquent d'éprouvettes (de l'ordre de la cinquantaine).
Dans cette étude, deux procédures différentes sont simulées : la version classique, servant de référence, et une version avec rechargement des éprouvettes jusqu'à rupture. De nombreuses hypothèses sont nécessaires, notamment sur la forme de la distribution des propriétés en fatigue. Une distribution de Weibull à deux paramètres est postulée. Afin de réaliser une étude statistique et donc de déterminer la réponse médiane et les incertitudes, 1000 Staircase sont simulés pour chaque condition et analysés avec la méthode du maximum de vraisemblance. L'objectif est alors de quantifier les incertitudes sur la dispersion, en fonction des différents paramètres des Staircase. La recharge des éprouvettes permet de réduire significativement les incertitudes sur la dispersion (avec un même nombre d'éprouvettes). Cependant, elles restent importantes et il est donc difficile de quantifier la dispersion à partir d'essais de fatigue classiques (et un nombre raisonnable d'éprouvettes).
Ces résultats sont alors comparés à la méthode d'auto-échauffement, qui consiste à réaliser un suivi de température de l'éprouvette au cours d'une succession de blocs de chargement avec des amplitudes de chargement croissantes. Cette méthode permet alors de détecter l'activation de mécanismes dissipatifs, pouvant être dans certains cas responsables de l'endommagement en fatigue. Une modélisation probabiliste à deux échelles de l'activation de ses mécanismes fait alors intervenir un modèle de Weibull, et l'identification des paramètres de la distribution peut se faire à partir d'une seule courbe d'auto-échauffement. La limite d'endurance et la dispersion peuvent ainsi être déterminées rapidement à partir d'une seule éprouvette.
[1] R. Pollak, A. Palazotto, T. Nicholas, A simulation-based investigation of the staircase method for fatigue strength testing, Mechanics of Materials 38 (12) (2006) 1170–1181
[2] R. Munier, C. Doudard, S. Calloch, B. Weber, Determination of high cycle fatigue properties of a wide range of steel sheet grades from self-heating measurements, International Journal of Fatigue 63 (2014) 46-61